Nous voilà sur un grand bateau. Nous naviguons depuis des semaines. Beuh, ça tangue ! Nous, les enfants, on nous a mis à part, avec les femmes. Ce voyage est épouvantable. Que de souffrances ! Je suis si malheureuse…
Larges et hauts, les navires négriers sont aménagés pour transporter un maximum de marchandises et d’esclaves. La cale a deux étages.
L’étage du bas est utilisé pour entreposer les vivres nécessaires à ce très long voyage de deux mois. Il y a plus de place pour la nourriture que pour les esclaves sur ce navire.
À cet étage, sont entassés des centaines d’esclaves. À certains endroits, la hauteur est à peine supérieure à 1,50 m. Le moindre recoin du navire est exploité pour transporter un maximum de prisonniers.
C’est inhumain ! Non seulement on nous entasse, on nous laisse sans vêtements, mais en plus on nous enchaîne. Nous ne pouvons ni bouger ni nous tenir debout. Nous avons mal partout. Et puis, on ne peut pas respirer dans cette cale. J’étouffe !
Pendant des siècles, au moins 13 millions d’esclaves africains seront transportés par bateaux. C’est plus que toute la population de Paris, en France. Deux millions d’esclaves mourront durant ces terribles traversées.
Ils m’ont enlevé mon précieux grigri. Catastrophe, je ne suis plus protégé par les esprits ! Je sais pourquoi ils font ça : ils veulent que nous soyons plus faibles, comme ça nous ne résisterons pas. Mais je ne me laisserai pas faire…
Nous avons peur de cet océan, des Blancs : que vont-ils nous faire ? Nous sommes désespérés. Certains parmi nous préfèrent mourir. Ils se jettent à la mer et restent sous l’eau jusqu’à ce qu’ils se noient. Moi aussi, je pars pour un autre monde. Adieu !
L’ambiance est tendue à bord. Mon équipage craint les révoltes et les épidémies. Je dois surveiller tout le monde...
Et m’arranger pour que la « marchandise » ne soit pas abîmée, sinon elle serait invendable.
Sais-tu comment nous appelons nos cargaisons d’esclaves ? Le « bois d’ébène ». L’ébène est un arbre africain presque noir. Marrant, non ?
Nous n’avons pas le même humour. Y a des coups de bâton en bois d’ébène qui se perdent.
Je le déteste, ce capitaine. Et je n’aime pas la façon dont il traite les esclaves. Ce ne sont ni des bêtes ni des marchandises.
Je regrette de m’être embarqué sur ce maudit navire négrier. Pour les marins aussi, la vie est drôlement dure à bord.
Moi, je n’aime pas ces nègres. Ils n’ont pas d’esprit, ce sont des brutes, leur âme est aussi noire que leur peau. Gare à eux ! S’ils n’obéissent pas, je les fouetterai.
Moi, je suis le chirurgien du navire, le médecin, quoi ! Je veille à ce que les esclaves restent en bonne santé. Enfin, j’essaye. Pour qu’ils soient propres, on les laisse nus, on les rase et, tous les jours, je les douche sur le pont.
Mais rien à faire, ils attrapent des maladies et il y a des morts. Pfff ! Ce qu’il leur faut, c’est de l’exercice. C’est pour ça que, de temps en temps, je les oblige à danser. Oui, oui, il y a des marins bretons à bord qui jouent sacrément bien de la musique.
Assez, on ne peut pas continuer comme ça ! Je veux rentrer chez moi. Révoltons-nous !
Mes frères, à l’attaque !
S’il a un couteau, c’est grâce à moi. J’ai réussi à le voler, à le cacher et à le donner à Moussa. Nous, les filles, on nous surveille moins, nous circulons plus librement à bord.
Alerte, une mutinerie ! Feu, tirez dans le tas, mais n’en tuez pas trop, ils sont précieux ! Qu’on leur jette aussi de l’eau bouillante et des « pigeons » : ces clous à quatre pointes sont très efficaces.
Raté… Ils sont trop armés pour nous. Malheur ! ils fusillent certains esclaves pour donner l’exemple.
Moussa a droit au fouet comme châtiment. Ensuite, ils mettront du piment et de la poudre sur ses plaies pour les désinfecter, mais aussi pour le brûler.